COVID-19, l’ami des dominants : un texte écrit par l’équipe de L’ardeur, association d’éducation populaire politique
Pour ce gouvernement anti-populaire, engagé dans une politique de destruction de la protection sociale et de répression policière des colères, des mobilisations et des insurrections qui en découlent, le COVID-19 permet de réaliser plusieurs tests en grandeur nature :
– Test de contrôle de la population (répression, prison, hélicoptères, drones, communications).
– Test d’obéissance de la police dans ce contrôle des populations.
– Test de privatisation-dislocation de l’éducation nationale transférée en e-learning.
– Test d’avancement de la vidéo-médecine à distance.
– Test de soumission des médias, de la population et des gauches (union nationale oblige).
– Test de démolition avancée du droit du travail.
1 – Le contexte
Depuis les années 1980, l’effacement de l’hypothèse communiste (1) laisse le capitalisme en roue libre et l’humanité livrée aux inégalités monstrueuses qui l’accompagnent. Or les profits ne se réalisent plus sur la fabrication et la vente de marchandises qui sont en surproduction (les voitures de 2018 ne sont toujours pas écoulées) mais sur la financiarisation-casino de l’économie et les réductions de dépenses publiques dans le cadre de politiques d’austérité. Si le capitalisme européen s’est assuré tout un temps de l’ordre social en échange de politiques de protection sociale, il s’aligne (dès 1983 en France) sur le capitalisme américain et s’engage dans la voie d’une privatisation-marchandisation de la société et d’une destruction des services publics. Ces dernières se réalisent dès Maastricht, puis dans l’imposition de la « Constitution » de l’Union Européenne et de sa monnaie unique interdisant aux États d’agir sur la protection sociale par des dépenses publiques, lesquelles sont désormais soumises à l’impératif de non-inflation, d’interdiction des augmentations de salaires pour maintenir le taux de profit des dominants, propriétaires d’entreprises ou traders. Mais réduire la protection sociale, réduire et supprimer les allocations chômage, démanteler les soins de santé, démolir la recherche, supprimer des postes à l’éducation nationale, vendre les barrages et les aéroports, baisser puis écraser les retraites… tout cela génère des mouvements de population insurrectionnels et incontrôlables (les gilets jaunes en sont un exemple) qui supposent que l’État se prépare à la guerre sociale en armant son dispositif policier vers le contrôle des mouvements insurrectionnels. Après les LBD, voici les drones et le suivi des smartphones. Dans son dernier ouvrage « La lutte des classes au 21e siècle » (2), Emmanuel Todd évoque la dérive fascistoïde du gouvernement Macron. Nous y sommes !
L’union nationale : vous avez aimé « Je suis Charlie » ? Vous allez adorer COVID-19 !
« Nous sommes en guerre », a déclamé sept fois Macron. Invisible, diffus, insaisissable l’ennemi combattu ? Qu’importe ! Car désigner un ennemi, a fortiori invisible, c’est faire taire tous les désaccords, au nom de l’union sacrée ! Si l’éducation populaire consiste à comprendre les systèmes à l’œuvre dans un événement, et à déjouer les effets de propagande en traquant les biais de pensée, il convient de s’alerter collectivement sur cet appel à l’union nationale : « Plus de place pour la division », ressassent les chroniqueurs. Mais rien n’est plus étranger à l’éducation populaire qu’une union sacrée renonçant à toute critique derrière un chef autoritaire ! Refuser cette injonction au consensus et à l’enrouement du débat rend alors nécessaire d’apporter notre voix à l’analyse de la situation…
La seule guerre à laquelle nous assistons est celle que le capitalisme mène sur nos existences. Dans cette crise sanitaire, que peut-on attendre d’un pouvoir qui a si férocement et si continûment attaqué la protection sociale de sa population, démoli l’hôpital, les retraites, le chômage, la formation continue, qui a rivalisé de suppressions de fonctionnaires avec les autres candidats à la présidentielle (moi 200 000 ! Non… moi 500 000 ! ) ? Rien !
Macron n’existe pas. La démolition de l’hôpital public a commencé avec Mitterrand et Bérégovoy dès le départ des ministres communistes en 1983, et s’est poursuivie avec les autres présidents. Macron lui-même n’a été fabriqué que pour prendre la suite des serviteurs du capital qui l’ont précédé à ce poste, et choisi pour sa capacité de nuisance… Car, privé de toute marge de manœuvre économique ou monétaire dans le cadre de l’UE, il n’a aucun autre pouvoir que celui de nous nuire. En s’affichant sans honte dans un hôpital saturé pour combattre les effets d’une situation dont il a fabriqué les causes, lui qui a supprimé plus de 4 000 lits d’hôpitaux sur la seule année 2018 et a charcuté plusieurs centaines de millions d’euros de moyens alloués aux personnels médicaux… Macron ne saurait nous rendre dupes : il n’est pas, et ne sera jamais, notre sauveur. Fidèle à son programme électoral exigé par le Medef, il se saisira de cette crise sanitaire pour renforcer la dévastatrice emprise du capitalisme sur nos existences. À l’heure où beaucoup se remettent à lire La stratégie du choc de Naomi Klein (3) et font l’expérience en grandeur nature d’un capitalisme qui déploie sa nuisance par crises successives, on peut s’attendre – « crise » et « union nationale » obligent – à une démolition accélérée du droit du travail, à une politique accrue d’austérité et de réduction des dépenses publiques.
Interrogé sur France Inter sur le fait de savoir si cette épidémie le ferait revenir sur sa proposition de 500 000 suppressions de postes de fonctionnaires, Bruno Retailleau (qui bien que dans l’opposition parlementaire n’a d’opposition à la politique du gouvernement que l’apparence) affirme sans sourciller qu’il ne sera pas question de ralentir les réformes ! Ces gens-là ne tireront aucune leçon. Au contraire. Cette crise sera pour eux l’opportunité d’une accélération des destructions, notamment celle des services publics. Noam Chomsky nous a prévenu·e·s : « Comment détruire un service public ? Commencez par baisser son financement. Il ne fonctionnera plus. Les gens s’énerveront, ils voudront autre chose. C’est la technique de base pour privatiser un service public »… et seule une insurrection ou une grève générale les arrêtera.
Car avec le COVID-19, c’est la guerre des classes qui va se durcir par un enchaînement trop prévisible pour ne pas être annoncé : crise sanitaire, crise économique, crise financière et, en bout de course, crise sociale ! Quand le COVID-19 aura mis sur le carreau un ou deux millions de chômeur·se·s supplémentaires, on pourra compter sur ce gouvernement, qui a déjà fait la démonstration de son amour de la protection sociale, pour nous concocter quelques exonérations de cotisations, dégrèvements, allègements fiscaux supplémentaires pour les patrons, bonus records pour les traders les plus malins, dont le job n’est pas de financer l’économie mais de jouer à la baisse ou à la hausse les fluctuations de l’économie… Pour eux, cette crise est un cadeau, qui comme, toutes les crises financières avant elle, ne sera rien d’autre qu’une banale crise cyclique de la surproduction qui permet au capital de se concentrer encore un peu plus en liquidant les maillons faibles des petites entreprises et en écrabouillant les travailleurs sous l’œil docile des lanceurs de LBD et des médias. Le capitalisme est le seul mode de production dans lequel les crises prennent la forme d’une surproduction (https://wikirouge.net/Crise_de_surproduction).
2 – Le test sécuritaire
16 mars (jour de l’annonce du confinement) : dans le département des Côtes d’Armor, 1 cas détecté (sur une population de 600 000 habitants). Le préfet fait survoler les plages par des hélicoptères de la gendarmerie.
Si des mesures de prudence et confinement dans le cas d’une épidémie sont un choix compréhensible, encore peut-on s’interroger sur les différentes modalités possibles d’un tel confinement : total ou régional, par tranche d’âge, avec ou sans possibilité de s’aérer, etc. À l’exception d’un accident nucléaire majeur, ou d’un virus que l’on contracterait par simple respiration dans l’air, aucune crise sanitaire ne peut justifier l’interdiction de promenades solitaires en forêt, sur des plages, dans les rues… Aucune crise sanitaire ne peut justifier que l’on désigne les citoyen·ne·s comme des coupables en puissance (lorsqu’Édouard Philippe annonce que le gouvernement prend des mesures de confinement drastiques car les citoyens ne sont pas suffisamment dociles, il transforme tout un chacun en délinquant). Aucune crise sanitaire ne peut justifier une politique hyper répressive incluant le survol d’une plage par des hélicoptères, l’interdiction de sortir plus de 20 minutes de chez soi, de s’éloigner de plus de 1km. Aucune crise sanitaire ne peut justifier que l’on ferme les parcs et les jardins publics. Aucune crise sanitaire ne peut justifier que l’on punisse des citoyen·ne·s d’amendes lourdes (jusqu’à 3 500 €) et de prison (six mois) en cas de promenades solitaires. N’importe quel gouvernement soucieux du bien-être de la protection de sa population en cas de crise sanitaire devrait au contraire prendre acte des difficultés personnelles, familiales, psychologiques, sociales considérables qu’entraîne un confinement, et le rendre supportable en invitant largement la population à s’aérer et à sortir se promener, à condition de respecter les mêmes règles de gestes barrières qui sont demandées pour le travail qui, lui, non seulement n’est pas solitaire, non seulement est autorisé, mais est rendu obligatoire sur rappel du Medef.
Au risque du sentiment d’une humiliation collective, aucune population ne peut comprendre qu’elle soit obligée d’utiliser les transports en commun pour aller travailler, à condition de respecter une distance d’un mètre, mais qu’elle risque la prison si elle va se promener sur une plage, en ne nuisant à personne, en ne mettant personne en danger dans la mesure où elle respecte les mêmes règles que celles imposées dans l’utilisation des transports en commun.
Avec Emmanuel Todd, nous rappelons que « faute d’avoir prise sur l’Histoire, les gouvernants français sont passés « en mode aztèque ». Ils se vengent de leur impuissance au niveau international en martyrisant leurs concitoyens… ». Et ils peuvent compter pour cela sur le zèle d’une police inféodée qui s’empressera de matraquer les promeneurs isolés à coups d’amendes à 135 euros pour leur apprendre à obéir. Nous savons depuis un an de gilets jaunes que nous ne pouvons plus attendre aucune protection de la police. Que, comme dans toutes les périodes de crise, comme en 1940, elle choisit de servir le gouvernement, et non plus le droit. Et cela risque bien de se renforcer… Comme l’écrit Raphaël Kempf, avocat pénaliste, « il faut dénoncer l’état d’urgence sanitaire pour ce qu’il est : une loi scélérate » ! Adopté à marche forcée pour une période soi-disant circonscrite, cet état d’urgence vise des objectifs à plus long terme : celui de violer les libertés élémentaires de tou·te·s, celui de donner à la police des pouvoirs illimités, celui de venir enterrer définitivement l’État de droit.
La constitution de la 5e République avait bricolé un régime présidentiel sur mesure pour un général dans une situation de guerre en Algérie. Elle transformait le Parlement en une chambre d’enregistrement, à l’image des 308 pantins recrutés à la hâte sur entretien au printemps 2017 pour servir de paillasson au Medef. Entre les mains des Hollande, Sarkozy, Chirac ou Macron, cette 5e République est entre les mains de voyous caractériels et doit être abandonnée. Macron n’hésitera pas à se réfugier derrière le COVID-19 pour utiliser les pleins pouvoirs de l’article 16 et faire interdire la presse, les réseaux sociaux, et ce qu’il appelle déjà les fake news et les incitations à la haine. Sa position est une position de haine de classe, et son gouvernement suinte la haine de classe. L’intérêt des ateliers constituants qui se multiplient partout en France est de nous préparer à écrire nous-mêmes la constitution dont nous aurons besoin quand nous aurons chassé ce pouvoir.
Cette guerre de classes, cette guerre au peuple, cette guerre aux pauvres, est lisible au niveau spatial, géographique. Dès les premiers jours, les médias ont évoqué le manque de « civisme » des habitant·e·s des quartiers populaires, épinglé.e.s pour leur inconscience face à la propagation et leur refus des contrôles : ainsi, le 19 mars, BFMTV dénonce des « violences urbaines malgré le confinement », des « rébellions et crachats sur des policiers » et même « des regroupements sur les toits d’immeuble » pour y faire des barbecues (jusqu’à quelle extrémité peuvent aller ces petits voyous de banlieue !). Depuis, des témoignages attestent d’interpellations policières violentes dans ces mêmes quartiers. Comme celle de Sofiane, 21 ans, habitant des Ulis (Essonne), qui, le 24 mars, a eu le grand tort de vouloir sortir de chez lui pour aller travailler (il est livreur pour Amazon !) : il a été rossé par les agents de la BAC pour avoir essayé d’échapper à leur contrôle (il n’avait pas son attestation de déplacement dérogatoire sur lui). Imagine-t-on les mêmes scènes à Neuilly ou à Passy ? Et, comme ce fut le cas pour les gilets jaunes, ces violences policières sont encore largement sous-médiatisées.
3 – Des médias au garde-à-vous
En dehors des aspects proprement médicaux de la situation sur lesquels nous ne sommes pas compétent·e·s (nous ne sommes pas microbiologistes et il y a déjà suffisamment de vidéos sur le coronavirus, d’interviews et d’exposés de tous bords, de tous scientifiques pour ne pas inonder davantage le débat), il nous revient en revanche d’interroger les aspects politiques et en soumettre les contradictions à notre intelligence collective. Compter sur nous-mêmes en somme et sur notre intelligence critique que nous nie l’intégralité (ou presque) des médias, docilement regroupés autour du pouvoir exécutif.
Le nombre de morts égrené chaque jour dans nos médias est profondément anxiogène. Le traitement médiatique de la situation nous rend inévitablement vulnérables et les conséquences sur nos citoyennetés sont dramatiques. On ne compte plus les exemples de personnes se faisant apostropher pour être sorties acheter du pain (franchement, a-t-on vraiment besoin de pain frais quotidien en cette période de catastrophe mondiale ?) ou pour avoir rendu visite à un proche. Tout le monde est en train de devenir le flic des autres. L’ambiance est à la dénonciation et aux milices de volontaires qui vont bientôt patrouiller dans les rues. Surtout si ces chiffres ne sont pas expliqués et qu’ils n’ont pour seule fonction que de créer un traumatisme sur fond de méfiance circulaire et nourrie de tous bords.
Expliquer les chiffres, cela voudrait dire les contextualiser, les mettre en perspectives (historiques notamment), les comparer à d’autres… Un exemple : sans vouloir minimiser l’épidémie, il est intéressant de savoir que le nombre de morts faits par le COVID-19 en quatre mois (environ 30 000) est à peu près identique au nombre de personnes qui meurent de faim chaque jour. Ou que le paludisme cause encore plus de 450 000 décès chaque année. Sans qu’on ne s’alarme, dans ces deux cas, des mesures à mettre en place pour éviter pareilles hécatombes. Et que dire de cette information en boucle sur les Ehpad qui se confinent avec le personnel ? Il y a en France 610 000 décès chaque année (une personne toute les 50 secondes) dont 25 % en Ehpad. Les décès au sein des Ehpad représentent donc plus de 150 000 morts par an. Nous parler des décès en Ehpad, c’est nous les présenter comme un problème injuste et terrifiant. On se demande alors ce qu’est la représentation d’un Ehpad pour un chroniqueur de TF1 : une colonie de vacances ? Une thalassothérapie ? Ou un de ces mouroirs sans personnel vendu au privé, qu’on intègre de façon définitive mais dans lequel on vous garantit un placement à 11 % si vous achetez une chambre pour la louer aux résidents ? Pour rappel (car c’est aussi cela mettre les chiffres en perspectives), la moyenne d’âge des morts du coronavirus en France est de 81,2 ans ! Et si la mort du musicien Manu Dibango a suscité beaucoup d’émoi, précisons tout de même qu’il avait… 86 ans.
La télé gouvernementale nous montre en boucle l’hôpital de Mulhouse saturé, l’armée qui évacue des malades en avion vers Toulon. Les tentes de médecine de guerre… terrible ! Mais elle se garde bien de questionner les odieux petits soldats des ARS (Agences régionales de santé) qui ont vidé l’hôpital de tous ses moyens, de tous ses personnels, qui ont mis cent directeurs en démission administrative il y a deux mois, et qui font fonctionner le matériel hospitalier en flux tendus .. Traduirons-nous un jour les ARS devant les tribunaux pour mise en danger délibérée à grande échelle de la vie d’autrui ?
Et c’est probablement à la lecture des médias de gauche ou d’extrême gauche qu’on mesure la puissance de cette manipulation à grande échelle. C’est cela une union nationale : faire taire notre capacité critique, adhérer à l’autorité du pouvoir. La chaîne Youtube « Osons causer » qui, jusqu’à peu décryptait les différentes faces des politiques macronistes, est désormais réduite à répercuter les ordres gouvernementaux : « Restez chez vous ! ». Si nous voulons prendre des leçons de civisme, nous n’avons pas besoin d’ « Osons causer », nous avons déjà TF1 pour traiter quelques doux promeneurs de « délinquants des parcs ». Le philosophe Vladimir Jankelevitch écrivait : « Je serai toujours le gardien de tes droits et jamais le flic de tes devoirs ». Si « Osons causer » renonce à sa mission d’éducation populaire, la preuve est apportée que le test en grandeur nature de soumission des médias (y compris ceux censés critiquer l’ordre de la domination) fonctionne !
S’il est si dur pour des médias, quels qu’ils soient, d’échapper à ces logiques manipulatrices, s’ils épousent si facilement la logique du pouvoir, c’est que les conditions de fabrication de l’information les ont déjà rendus structurellement perméables à cette logique.
Et déjà, la place prise par les chaînes d’info en continu, avec sa conséquence : la course à l’information en « temps réel ». Temps réel ? Allons bon… Cela supposerait qu’existe un temps « irréel » ? Ne serait-ce pas justement ce temps qu’on nous vend pour du « réel » qui, en évacuant l’histoire et les processus d’émergence des phénomènes, constitue l’« irréel », un temps qui n’a pas de sens ? Dans ce monde-là, il faut occuper l’antenne et meubler les flux en permanence. Donc trouver du nouveau au fil des jours, au fil des heures… Heureusement, ce qu’il y a de nouveau, presque en permanence, ce sont les chiffres. Alors… bingo sur ces chiffres qui montent, qui viennent s’aligner de manière vertigineuse sur les écrans ! Chaque jour apporte son lot de « nouveau record », de « chiffre jamais atteint »… Puisqu’il s’agit d’une « pandémie » en plein essor, la probabilité que le nombre de nouveaux cas détectés ou de nouveaux décès à l’hôpital en 24 heures soit inférieur à celui de la veille est sans doute inférieure à 1 %, non ? Donc balancer cette info, ce n’est pas vraiment un scoop, on est d’accord ? Il y a d’ailleurs fort à parier que le journaliste qui l’a annoncée en martelant chaque mot sur un ton affolé, quand il rentre chez lui et retrouve son conjoint, il ne lui dit pas : « Tu sais, c’est incroyable : le chiffre a encore progressé ! ». Oui : il est probable que, dans sa vie privée, il reste quelqu’un d’à peu près censé. Mais quand il passe à l’antenne, il devient cet imbécile qui nous fait prendre des vessies pour des lanternes.
C’est que, sur les ondes, il faut sacrifier aux rites de la dramatisation. Pour « vendre » et faire du « buzz », il faut maintenir le « suspense », « feuilletonner » l’information, avec, si possible, un bon « casting » et de « bons clients ». Autant de termes venus des mondes de la fiction et du commerce et qui se sont progressivement imposés dans les rédactions. C’est ainsi que se construit et se reconstruit le thème de la « vague » épidémique qui va déferler (sans qu’on ne sache jamais pourquoi le « pic » est attendu à tel moment). Avec sa conséquence inéluctable, en gros titre à la « une » de l’Est Républicain du 23 mars : « Vers un inévitable durcissement du confinement » (quatre semaines plus tôt, de nombreux médias titraient sur le « recours inévitable au 49.3 » à propos de la réforme des retraites !). Prophétie auto-réalisatrice dans laquelle les médias oublient – ou feignent d’oublier – le rôle qu’ils jouent eux-mêmes.
Autre facteur structurant : la place prise dans les médias par un ballet d’experts où se succèdent hypothèses hâtives et contradictoires (sur les tests, le port de masques, l’efficacité du traitement par la chloroquine…), sans que les faux pronostics ne soient ensuite rectifiés et sans que l’on précise que « médecin » n’est pas un titre suffisant pour se qualifier d’expert en matière de COVID-19. Mais avec cette certitude auto-proclamée : les fake news, c’est l’affaire des réseaux sociaux ; l’information sérieuse et vérifiée, celle des médias main stream.
4 – La gouvernance « scientifique »
Dans un monde où les demandes de financement de la recherche publique sur les coronavirus sont restées lettre morte, où les multinationales de la pharmacie ont plus de pouvoirs que les États et où le vaccin de ce coronavirus engrangera des milliards de profits, qu’est-ce qu’un expert ? Qui sont les « scientifiques » qui « conseillent » un gouvernement entièrement dévoué aux multinationales ? (voir Monsanto-Macron, et les milliers de cancers liés au Roundup). Y aura-t-il des conflits d’intérêts ? Jupiter met ses pas dans ceux d’un « conseil scientifique », créé le 10 mars et invité à infléchir voire à dicter les décisions. Cette délégation de pouvoir à l’expertise « scientifique » présente de multiples dangers. Elle éteint toute contestation au nom de l’intérêt supérieur : elle gomme ce que nous, gesticulant·e·s et formateur·trice·s, militant·e·s de l’éducation populaire, avons appris et ne cessons de marteler : tout point de vue est nécessairement « situé », on ne parle toujours que de « quelque part », et avec une intention. Mais non : les experts, eux, échappent à cette condition humaine puisqu’ils parlent de nulle part et sans jamais aucune intention autre que de nous transmettre la vérité.
C’est dire à quel point cette délégation va faciliter le passage à une société de contrainte…
5 – Le COVID19, révélateur mais aussi accélérateur des inégalités
Isolement des plus vulnérables, exploitation des plus précaires, contamination des plus exposé.e.s, stigmatisation des classes populaires (car ce peuple que l’on doit confiner, c’est bien celui des classes populaires, celles qui pourraient désobéir, ces classes dangereuses…), entassement des plus pauvres dans des logements insalubres pendant que les bourgeois aisés des arrondissements parisiens fuient leur 200 m2 pour aller (exode sanitaire oblige !) se mettre au vert dans leur maison secondaire ou dans une villa louée pour l’occasion… cette crise sanitaire amplifie le développement des rapports de domination.
Regardons du côté de la condition des femmes. Par leur position dans la société, les femmes représentent indéniablement une classe fragilisée par cette crise sanitaire et le confinement que celle-ci impose. La situation des femmes victimes de violences conjugales est alarmante. Les chiffres actuels montrent une augmentation de 32 % des cas depuis le début du confinement. Des situations où la présence permanente du mari violent rend les demandes d’aide et les moyens de protection extrêmement difficiles. 210 000 femmes sont violentées par leur mari chaque année en France. Le confinement porte donc ce chiffre à (au moins) 300 000. Belle réussite du confinement ! Toujours dans la sphère de l’intime, l’accès à l’avortement est fragilisé, notamment pour les adolescentes qui n’ont plus de prétexte pour sortir de chez elles.
Et puisque, dans cette crise, c’est bien le monde du travail qui impose la marche à suivre, dans la sphère productive, l’exploitation des femmes se poursuit. Il y a les plus précaires, celles qui vivent sous le seuil de pauvreté, celles qui n’auront pas le choix d’accepter de travailler – quelles que soient les conditions sanitaires – pour pouvoir boucler la fin de mois. Il y a les femmes élevant seules leurs enfants, qui, faute d’école ou de nounou, subiront un chômage partiel qui les mettra à terre. À la fin de la crise, quelle sera la posture des banques envers ces femmes ?
On le sait : parmi le travail dédié aux femmes, celui du soin. Le 12 mars dernier, Macron demandait au personnel hospitalier de « continuer à faire des sacrifices ». La division sexuelle du travail à l’œuvre dans notre société fait reposer ce « sacrifice » sur une large majorité de femmes : 90 % de femmes chez les aides-soignantes, 87 % de femmes chez les infirmières… Les postes prestigieux, eux, sont occupés par des hommes. Avec la pénurie de matériel de protection, entre l’aide-soignante et le chirurgien, qui aura le masque ?
Le sacrifice se joue entre les classes sociales qui se côtoient à l’hôpital. Le sacrifice se joue entre les classes sociales tout court. Les femmes font partie des dominé·e·s, des exploité·e·s du système capitaliste, à qui l’on demande de continuer à faire marcher la machine économique à n’importe quel prix, et qui n’en obtiendront que du mépris (une prime de 1000 € ?) lorsque les puissants n’auront plus peur d’attraper la grippe.
6 – Le COVID19, arme de guerre… contre l’école
La mise en place de l’école à distance est une aubaine pour qui s’acharne à détruire le service public. C’est une véritable expérimentation grandeur nature pour terminer la privatisation de l’école rêvée par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et mise en œuvre par les ministres successifs depuis Luc Ferry.
Quoi de mieux que d’amener les enseignants à se penser comme des « facilitateurs pédagogiques » pour assurer la « continuité pédagogique » ? Le rêve ultime de l’idéologie libérale : l’enseignant·e est déchargé·e de toutes responsabilités éducatives, de tout désir de penser l’élève comme un être humain complet et complexe. L’enfant n’existe plus. Le sacro-saint programme construit autour des compétences n’a plus qu’à être digitalisé. Les enseignant·e·s deviennent des « intervenants à distance », pratiquant le « e-learning », surfant sur des plate-formes privées dont les contenus deviennent contrôlables et évaluables. Le contrôle : outil indispensable à la légitimité de la domination. Pour preuve ce mail envoyé ce jour, par une enseignante de maternelle, qui demande aux parents d’envoyer une photo de leur enfant en train de travailler : « Nous devons assurer la continuité pédagogique et l’inspection nous demande de vérifier qu’elle est bien mise en œuvre par les parents, sinon cela peut être considéré comme de l’absentéisme ». Pressions, contrôles et menaces… on y retrouve alors tous les ingrédients de la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », adoptée en 2018, qui permet d’imposer une « démarche qualité » à tous les organismes de formation. Calquée sur des procédures de rentabilité industrielle, la démarche qualité a réussi le tour de force de mettre tous les organismes de formation en concurrence, d’imposer un vocabulaire unique (celui de la langue de bois bien sûr), de récupérer tous les contenus pédagogiques, de dématérialiser au maximum en réduisant les liens humains au minimum. Une expérimentation grandeur nature de ce qui est déjà à l’œuvre dans l’éducation nationale !
Alors on peut toujours penser que l’école par internet, c’est juste provisoire, que non cette loi n’est pas une étape intermédiaire pour finir de faire de l’école le réservoir de main d’œuvre du capital au détriment d’un lieu où penser la société de demain… si seulement cette expérimentation n’était pas déjà dans les tuyaux depuis plus de trente ans : baisse du nombre de fonctionnaires, privatisation de l’enseignement supérieur, décentralisation favorisant le lien avec le marché du travail local, emploi de directeurs devenus des managers, suppressions massives des postes éducatifs et de soins dans les établissements (psychologues scolaires, assistants sociaux, éducateurs, infirmiers…), mise en concurrence des établissements par l’attaque du statut d’enseignant (précarisation du métier, CDD, contractuel·le·s) et les enseignements de spécialités avec la loi Blanquer… Les bases sont posées, affirmées, assumées… Comment être naïfs au point de penser que cette période ne sera qu’une parenthèse ?
Et le place des enf… des élèves pardon ! C’est simple : on remplace une heure de cours par une heure de travail personnel… La durée d’attention d’un élève en classe varie de 4 minutes en maternelle à 35 minutes par heure pour un adulte. Transformer alors une heure de cours en une heure de travail personnel, c’est multiplier l’exigence de productivité scolaire par deux au minimum pour les lycéens. De plus, cela ne tient pas compte de chaque élève. Là où l’enseignant·e va évaluer que, sur la classe d’âge concernée, le travail donné est faisable en une heure, la réalité sera que ce travail sera réalisé en 30 minutes par certains et en 1h30 par d’autres. Ajoutons à cela les conditions matérielles de chaque élève : chambre seule ou non, travail sur ordinateur ou sur smartphone, accès à une imprimante scanner ou pas, nombre de personnes dans la maison et en capacité d’aider scolairement ou pas… Sans oublier qu’actuellement, celles et ceux qui sont toujours au travail – et donc pas disponibles pour leurs enfants – sont les salarié·e·s les plus précaires : ouvrier·e·s, caissières, aides à domiciles …On voit bien à nouveau les réalités matérielles niées, on voit bien comment, au profit de la « continuité pédagogique », on enterre les enfants des classes populaires pour pouvoir applaudir les quelques autres à la fin du confinement… Bravo les enfants, vous voyez bien que c’était possible : quand on veut, on peut !
Les ultra-libéraux de l’Union européenne et de l’OCDE l’ont rêvé, le COVID-19 l’a fait : la dématérialisation complète et totale de l’éducation nationale. Les requins de l’ordre capitaliste lorgnent sur ce ce marché éducatif mondial à conquérir (estimé à 20 000 milliards de dollars, dont 7 000 milliards d’euros pour l’Europe). Le fruit est mûr pour privatiser le système éducatif… Il ne restera plus qu’à Hachette édition (propriété du groupe Lagardère) à nous vendre par millions les logiciels que cet enseignement à distance, assuré par des « uber-profs », nécessitera. Et que feront les parents ? Dans le marasme de l’offre proposée, dans ce climat de compétition acharnée, les familles paieront bien sûr, enfin celles qui le pourront ! Pour le plus grand bonheur de la Bourse. L’OCDE l’a dit : les perspectives de profit pour les investisseurs institutionnels sur le marché éducatif mondial sont de 1 à 7 quand elles ne sont que de 1 à 2 sur le marché de la construction automobile.
Et lorsqu’il faudra, une fois la mission éducative de l’éducation nationale piétinée, se charger de transmettre quelques « savoir-être » et « compétences relationnelles » aux enfants et adolescents, le marché du développement personnel viendra nous vendre sa came à grands coups de conférences, de cours de coaching et de slogans plus creux les uns que les autres : « Sois le monde que tu veux voir », « La confiance en soi est le premier secret du succès », etc. Comme l’a si bien montré Eva Illouz dans son livre Happycratie, le développement personnel est non seulement un marché juteux, mais surtout l’ami protecteur des dominants puisqu’il contribue à invisibiliser les rapports sociaux de domination (classe, race, genre) au profit d’un seul discours : « Tu as les ressources en toi pour t’en sortir », et autres outils de culpabilisation individuelle. Théorisée aux Etats-Unis, la « psychologie positive » est la condition de la domination capitaliste dans les entreprises et sur nos vies.
7 – COVID19 et droit du travail
Pendant qu’on nous invite à nous laver inlassablement les mains, le patronat, lui, se les frotte ! Emmanuel Macron est définitivement l’ami des grands patrons. Et voilà la loi d’urgence face à l’épidémie qui autorise le gouvernement à agir par ordonnances. Le texte 52 de ces dernières permet à l’employeur d’imposer une durée de travail hebdomadaire portée à 60 heures, le travail le dimanche, des dates imposées de congés payés…
Il est intéressant de comparer les intitulés de ces ordonnances. Ici : « Ordonnance portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos » ; et là : « Ordonnance adaptant temporairement les conditions et modalités d’attribution de l’indemnité complémentaire » . Il n’est sans doute pas anodin de voir que, dans la seconde, apparaît le terme « temporairement », indication à laquelle Muriel Pénicaud s’est formellement opposée lorsqu’un amendement proposa de le faire figurer dans l’ordonnance « congés payés et autres… ». De là à penser que ces dérogations au code du travail soient destinées à perdurer…. Relance de l’économie oblige : 60 heures par semaine, réduction du repos quotidien de onze à neuf heures, soit quinze heures de travail-transport chaque jour ne font que nous renvoyer aux conditions de 1841, date de la première loi sur le travail. Cet « effort » qui va être imposé au monde du travail ne sera pas imposé à toutes les catégories sociales. Un amendement visant à relever le montant de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, faisant passer son taux de 3 % à 5 % des revenus supérieurs à 250 000 euros par an, a été sèchement rejeté.
Dans un tweet du 24 mars, Bruno Le Maire demande aux entreprises, notamment les plus grandes, « de faire preuve de la plus grande modération sur le versement de dividendes. C’est un moment où tout l’argent doit être employé pour faire tourner les entreprises ». Une simple demande donc, pas d’ordonnance ici pour contraindre le capital à participer à l’effort collectif alors même que les entreprises européennes s’apprêtent à verser 359 milliards d’euros à leurs actionnaires au titre des dividendes de l’année 2019. Pourtant, malgré ces chiffres exorbitants, l’État, pour pallier à la suspension partielle de l’économie, va soutenir ces mêmes entreprises en prenant en charge une partie des salaires, à travers les mesures de chômage partiel, ainsi qu’en suspendant les obligations fiscales et sociales de ces mêmes entreprises.
Au final, c’est bien aux travailleur·se·s que Macron s’en prend à nouveau pour « soutenir l’économie » en s’attaquant, non pas aux dettes sous lesquelles croulent les entreprises et dont il pourrait déclarer un moratoire, mais… aux cotisations sociales et aux impôts qu’elles versent, et au droit du travail.
Voulons-nous que la « guerre » menée par une classe dirigeante qui a montré son impréparation absolue à faire face à la pandémie – parce qu’elle a organisé le démembrement des services publics et de la production en France de biens de première nécessité – soit à nouveau l’occasion d’une union sacrée pour « sauver l’économie » en s’attaquant aux travailleur·se·s et en soutenant les prêteurs capitalistes, comme cela s’est fait en 2007 avec les beaux résultats que l’on sait ? Nous faisons depuis plus de dix ans l’expérience amère de la potion capitaliste que Macron veut à nouveau nous faire avaler alors que c’est elle qui nous a conduits à une impasse dont il prétend nous faire sortir en en rajoutant une louche. C’est assez !
Nous n’allons pas nous faire avoir à nouveau. Nous savons que nous ne pouvons attendre que le pire des « mobilisations générales » et de « l’union nationale » dans lesquelles nous enrôle la classe dirigeante sans nous demander notre avis, pour nous faire taire. Seule une mobilisation venue d’en-bas sera efficace contre le retour régulier de pandémies liées à une excessive division internationale du travail et à un rapport de plus en plus mortifère au vivant et à la nature dans la folle organisation capitaliste de la production.
La médiocrité de la réponse à la pandémie fait prendre conscience de l’absurdité de faire dépendre notre production de groupes capitalistes indifférents au maintien d’un tissu productif équilibré sur un territoire, qu’il soit régional ou national : les exemples d’entreprises neuves fermées alors qu’elles produisent des masques ou des bouteilles d’oxygène ont fait le tour des réseaux sociaux. Les travailleur·se·s (pas l’État !) doivent devenir propriétaires de tout outil de production de biens communs, les actionnaires doivent être évincés sans indemnisation, et les prêteurs non remboursés.
Autre prise de conscience : les ressources des personnes ne doivent pas dépendre de l’aléa de leur activité. Le confinement laisse nus tous les indépendants et génère un chômage partiel plein de trous qui vont notablement réduire les ressources d’employés du privé ou de contractuels de l’État. Alors que les fonctionnaires, eux, conservent leur salaire, qui est lié à leur grade et non à leur emploi. Seul le salaire lié à la personne (celui des fonctionnaires, celui des salariés à statut, celui des retraités… bref celui qu’attaquent avec détermination tous les gouvernements de l’Union européenne) nous permet de sortir de la forme capitaliste de la rémunération, qui la lie à la mesure d’activités aléatoires avec le filet de sécurité d’un revenu de base. Nos personnes doivent être libérées de cet aléa et reconnues, de 18 ans à la mort, par un salaire posé comme un droit politique et qu’il serait raisonnable d’inscrire dans une fourchette de 1 à 3. Chacun·e, à sa majorité, quels que soient son passé scolaire et son handicap, est doté·e du premier niveau de qualification, et donc des 1700 euros nets du Smic revendiqué, et peut, par des épreuves de qualification, progresser jusqu’à un salaire plafond de 5000 euros nets : au-delà, les rémunérations n’ont aucun sens. Droit politique de tout adulte vivant sur le territoire national, le salaire peut stagner, mais jamais diminuer ou être supprimé.
La propriété de tout l’outil par les travailleur·se·s et le salaire lié à la personne supposent une forte socialisation du PIB. Déjà, plus de la moitié est socialisée dans les impôts et cotisations sociales. Il faut aller encore plus loin. La valeur ajoutée des entreprises doit être affectée non plus à des rémunérations directes et à du profit, mais à des caisses gérées par les travailleur·se·s comme l’a été le régime général de 1947 à 1967. Elles verseront les salaires et subventionneront l’investissement, y compris par création monétaire. Alors nous pourrons libérer du capital nos vies et notre pays.
La survenue de l’épidémie de coronavirus a mis en évidence l’état de délabrement de l’hôpital public après quarante années de politiques libérales qui lui ont été imposées. Hasard du calendrier, cette épidémie a conduit le gouvernement à suspendre son projet de réforme des retraites. Maladie, vieillesse : deux branches de la sécurité sociale réunies par les événements.
Comme Ambroise Croizat et ses co-détenus au bagne de « Maison carrée » à Alger préparèrent un plan complet de sécurité sociale, mettrons-nous à profit cette période pour réfléchir aux revendications à porter dès la fin de la période de confinement ? Parmi celles-ci, une reconstruction de la sécurité sociale dans ses structures révolutionnaires de 1946, en revenant non seulement sur les exonérations de cotisations patronales, mais en revendiquant leur augmentation. Car c’est bien l’augmentation de ces cotisations qui permit à la sécurité sociale de subventionner la mise en place des Centres hospitaliers universitaires (CHU) au début de années 1960, transformant des mouroirs en usines de santé. Des plans de nationalisation de l’industrie pharmaceutique et de la recherche scientifique seraient également des revendications incontournables. Profiter de cette épidémie pour obtenir la reconquête de droits précédemment conquis représenterait en quelque sorte un renversement de la « stratégie du choc ».
« Noam Chomsky nous avait prévenus… »
A-t-on réellement besoin de citer Chomsky sur un sujet aussi trivial lorsqu’on s’appelle Lepage ?
Cet article est bavard…
Qu’est-ce qu’il est bavard…
Trop.
(De même que la « Réponse à un ami antifasciste », que j’ai lue hier).
Ces deux textes sont loin d’avoir le niveau des « Incultures ».
La France contestataire souffre si fort d’un constant manque d’à-propos…
Sans vouloir vous suggérer de mieux « communiquer » (surtout pas), peut-être qu’un effort d’éloquence…
Merci. Continuons la lutte sous toutes ses formes. Même quand la solidarité la plus élémentaire redeviendra clandestine, j’espère qu’il y aura encore des gens qui continueront de lutter.
Bon article (sauf sur la partie « éduc nat », un peu tirée par les cheveux) : j’ajoute (rapport à ce qui est écrit) qu’il existe encore des médias d’extrême gauche qui ne se font pas relais de la statistique gouvernementale (sans tomber dans le conspirationnisme non plus), proposent une lecture critique de ce qui nous arrive auj, et des solutions pour changer de disquette… http://www.indigne-du-canape.com/coronavirus-conflit-capitalisme-communisme-et-apres/
Merci pour ce texte d’une grande richesse !
Et, juste un mot, n’y voyez nulle offense mais corrigez ce « Censé » (« il reste quelqu’un d’à peu près censé ») qui choque l’oeil.
Puis effacez mon message !
Concernant la question de l’écologie et l’absence du mot dans ce texte… un article que nous venons de publier :
http://www.ardeur.net/2020/04/ecologie-et-lutte-des-classes-dire-de-quelle-ecologie-notre-desir-politique-est-le-nom/
Ping :Écologie et lutte des classes : dire de quelle écologie notre désir politique est le nom – L'ardeur
Bon… une fois de plus complètement d’accord… mais j’ai l’impression de vivre « un jour sans fin » et pas que depuis le début du confinement.
Le Témoin gaulois, avec moins de rigueur dans l’analyse, est sur la même ligne
Faire la grève générale et manifester dès que possible!
Les capitalistes mondialisés et les financiers ne renoncent à TINA, seulement lorsqu’ils sont au bord du précipice. Demain aidons-les pour leur bien, à faire un grand pas en avant.
Des propositions concrètes, en voici déjà une : la répartition du travail
Actuellement le pays tourne au ralenti… mais il tourne.
Certains sont totalement sans emploi et vivent une misère noire…
D’autres sont bénévoles, et eux aussi, misère noire…
Les derniers enfin travaillent 60 h par semaine sans autre gratification que des promesses qui ne seront pas tenues et des concerts de casseroles à 20h.
Tout cela parce que depuis 50 ans, hormis la semaine de 35 heures, on n’a jamais proposé une REPARTITION DU TRAVAIL ;
Nous proposons la SEMAINES DE 20 HEURES qui réglera d’immenses problèmes :
– une vie meilleure pour chacun, la fin du chômage et une diminution de la criminalité et de la pollution. Je développe et j’explique :
Le travail, oui… l’aliénation, non
La semaine de 20 heures
Cela sous-entendrait moins de rentrées financières, certes, mais en contrepartie beaucoup plus de temps libre pour éduquer ses enfants (ce qui aurait mis un frein à la délinquance juvénile), se promener, se cultiver (et même gratuitement puisque les bibliothèques municipales et les maisons de la Culture se multipliaient à vitesse grand V). Une organisation des horaires de travail placée sous le signe du bon sens aurait réduit les problèmes d’environnement : trois jours de transport polluent moins que cinq.
Certes le PIB et le CAC 40 n’en sortiraient pas grandis, mais notre santé physique et morale ne vaut-elle pas mieux que la course au profit et à la compétivité ?
Dans cette période trouble, à 60 ans je crois n’avoir jamais entendu autant de conneries mais aussi vu passer de très beaux textes, signe que le virus de la maladie précitée épargne un nombre de plus en plus important de citoyens. De grands noms sont cités dans cet article : Noam Chomsky, Naomi Klein, j’y ajouterai André Gorz dont la vidéo « Lettre à G » est en accès libre jusqu’au 25 avril. A visionner au plus vite!
https://andregorz.fr/le-film/
merci
RE …Les jours heureux *
Et Macron a eu le culot d’utiliser le nom éphémère utilisé pour le programme du CNR afin de le détourner et de le dévoyer… à nos dépends !
* c’est aussi le titre d’un film de Mr PERRET
J’ai lu attentivement le passage sur l’école; beaucoup de points me choquent et me semblent ne pas correspondre du tout à la réalité que j’ai vécu en direct avec mes 130 élèves, mes 110 collègues , les assistants d’éducation et j’en passe
Je trouve l’auteur de ce « pamphlet » plutôt méprisant envers les enseignants, vis à vis du travail et des efforts inouïs qui ont été déployés pour garder un lien extrêmement étroit et humain avec CHAQUE élève!
Déchargés de responsabilités éducatives ? C’est faire abstraction de tout ce qui a été mis en oeuvre moins sur le plan pédagogique que sur le plan humain ET donc éducatif pour convaincre et motiver les plus décrocheurs, les plus défavorisés, les encourager et les soutenir pour qu’ils restent en contact étroit avec chaque enseignant, avec la vie scolaire, avec les AED (assistants d’éducation) qui d’ailleurs ont fait un boulot formidable pour garder le contact chaque jour, pas à pas, avec les familles sans laisser aucun enfant sur le carreau, nous envoyant chaque jour le bilan de cette petite toile tissée patiemment avec chaque famille, avec chaque enfant « décrocheur » ou en perdition, avec les trop angoissés, les trop stressés, les trop éloignés sans réseau, les trop isolés, les trop malheureux…et j’en passe
L’enfant n’existe plus ? Je crois que durant cette période il n’a jamais été autant au centre de nos préoccupations, non pas l’élève mais bien l’enfant, avec son contexte familial, ses difficultés sociales, et dans notre région les enfants de milieu défavorisé sont de loin majoritaires! Nous avons fait en sorte de réduire ces inégalités en resserrant davantage le lien avec les familles, en prenant en compte chaque particularité dont nous parlions chaque jour entre nous à longueur de messages et d’entretien téléphoniques (sans parler des visioconférences) pour réduire cette fracture sociale et adapter nos attentes, nos paroles, nos décisions, nos actes!
Transformer 1H de cours en 1H de travail personnel ? Il n’a JAMAIS été question de cela, dans aucun établissement que je connaisse, la consigne était justement inverse: 1H de cours ne doit en aucun cas correspondre à 1H de travail personnel.
Nous avons, sur le plan pédagogique cette fois, adapté nos attentes à une situation nouvelle et difficile à gérer pour chacun, nous les avons conseillés individuellement, avons jonglé en permanence entre plateforme, mails, sms, pour mieux répondre à chacun, pour les orienter vers une démarche qui leur correspondait mieux en fonction de leur situation, avons essayé de répondre au mieux à chaque interrogation, tout en nous appropriant nous mêmes difficilement ces nouvelles technologies.
On enterre les enfants des classes populaires? Cela n’a pas été le cas chez nous et certainement pas non plus dans les autres collèges et lycées de l’Indre! Nous avons avancé ensemble, tous peut-être pas dans le même bateau, car certaines chaloupes prenaient certes plus l’eau que d’autres mais sur une même mer et nous avons maintenu à flots les plus fragiles d’entre eux! Jamais je crois nous n’avons autant pensé l’élève comme un être humain complet et complexe pour reprendre les termes de l’article, jamais nous n’avons autant géré l’hétérogénéité ni autant adapter notre pédagogie à chaque enfant!
La mission éducative de l’Education Nationale piétinée ? Je crois que nous ne l’avons jamais aussi bien remplie! et non, nous ne sommes pas naïfs, nous avons fait face, nous sommes démenés, avons rassuré, guidé, nous avons orienté, éduqué, enseigné!
Et oui nos élèves nous manquent et nous leur manquons aussi, aux plus brillants comme aux plus faibles, à ceux de milieux favorisés comme à ceux de milieux modestes, alors non, le numérique ne remplacera jamais les relations humaines, il les complète, il crée la passerelle entre navire et chaloupes par temps houleux mais il ne remplacera jamais le présentiel…même si ça fait du bien, j’en conviens, de travailler 2 mois dans le silence de son bureau🙂
Bonjour,
Le papier ne remet en rien en question l’investissement des enseignants et des équipes éducatives qui se sont effet mobilisés par tous les moyens possibles pour faire face à cette situation inédite et limiter les dégâts auprès des élèves. Je comprends en revanche que les auteurs cherchent à mettre en évidence la tendance idéologique néocapitaliste consistant à dématérialiser l’éducation, afin d’une part de réduire les budgets, et d’autre part d’offrir (à terme) sur un plateau ce marché prometteur aux firmes capitalistes.
Ce n’est certes pas la partie la plus convaincante de l’article mais cela a du sens en effet lorsque l’on observe la voracité des néo-capitalistes dans tous les secteurs et l’obsession capitaliste d’éradiquer les services publics (« dégorger le mammouth » disait déjà un ministre socialiste..).
Par ailleurs nous sommes nombreux à penser que le corps enseignant demeure une citadelle contre cette marchandisation grimpante des rapports humains et sommes reconnaissants aux enseignants de poursuivre auprès des enfants le travail nécessaire de conscientisation.
C’est qu’une question d’habitude, vous verrez on s’habitue très vite 😉
Je ne vois par contre pas le rapport avec l’américanisation ultra-libérale puisque l’anglais est une langue majoritairement neutre.
Pour le lien entre cette crise du covid dont nous finirons par sortir et la mutation ecologique dans laquelle nous sommes depuis environ 50 ans… voir cet article de Bruno Latour: « Imaginer les gestes barrière pour éviter le retour à la production d’avant la crise ». Avec en conclusion une piste d’action pour ne surtout pas en « revenir à la normale ».
Bonjour à tous, merci Arno pour ajouter le thème de l’écologie qui semble pour certains évident, mais si celà l’est comment omettre de mentionner son importance? Pas certaine que cela va de soit pour tout le monde ! Je vous invite à lire Laure Waridel (ou d’autres ouvrages sur le sujet)
« Alors que les écosystèmes se dégradent à un rythme sans précédent, on réalise que les humains confondent moyens et fins, argent et richesse, croissance économique et bien-être. Comment mettre l’économie au service du bien commun afin qu’elle opère à l’intérieur des limites planétaires? Par où commencer pour transformer un système qui a institutionnalisé la cupidité?
Au contact de citoyennes et de citoyens issu.e.s de tous les milieux, Laure Waridel trace les chemins d’une réelle transition vers une économie écologique et sociale. Son constat est clair: les solutions sont déjà là, à notre portée. L’auteure identifie les lignes de force qui permettent d’investir autrement, de tendre vers le zéro déchet, de se nourrir autrement, d’habiter le territoire intelligemment et de se mobiliser par tous les moyens. Elle met en lumière de nouveaux paradigmes qui transforment le monde en misant sur la création de liens entre les humains et avec la nature, cette nature que nous habitons et qui nous habite tout autant. On constate alors qu’il est possible de créer une richesse inconnue de la finance: une richesse qui ne ruine pas les bases de la vie sur Terre.
Avec La transition, c’est maintenant, Laure Waridel nous démontre que tout est encore possible. Elle fait la preuve que nous avons tous et toutes un rôle important à jouer, quelle que soit la place que l’on occupe dans la société.
À nous de choisir aujourd’hui ce que sera demain »
voilà, merci à bientôt
Covid-19, école et intelligence artificielle, voici un exemple qui j’espère ne se passera pas de commentaires, en tout cas de la part du corps enseignant dont je fais partie: https://lalilo.com/p2ia
Uniquement à charge, une charge tellement caricaturale, qu’elle éloigne le lecteur. Même si on ne fait de caricature qu’à partir d’une situation réelle. Je me suis contraint de terminer la lecture. Il y a du juste dans l’analyse des conditions politiques actuelles, mais cette analyse me parait tellement excessive, et l’avenir (politique, éducatif, économique) n’est pas écrit. Je trouve scandaleux que la réflexion écologique soit exclue de l’analyse. Le texte nourrit une contradiction, reconnaissant que les auteurs n’ont pas les compétences médicales nécessaires pour juger des réponses sanitaires, médicales, et en même temps (excusez-moi, je ne le fais pas exprès)considère que toutes les mesures prises n’ont aucun fondement (promenades en forêt, en montagne, sur la plage). Je comprends que la gendarmerie n’ait pas envie d’aller en montagne chercher des accidentés (ou en mer). Le confinement est, disent tout de même de nombreux scientifiques, indispensables, tant que l’on ne peut se protéger avec un masque (on connait la raison de ce manque de masque).
L’écologie : un sacré angle mort dans ce texte.
Le passage concernant les médias me gène. Il sous-entend que tous ceux qui ne seront pas d’accord avec la radicalité de ce texte sont complices des dominants.
Politis, Médiapart, l’Huma, que je lis régulièrement, ont aussi une approche politique et critique, que je trouve davantage accessible que ce texte, dont le style le réserve aux plus radicalisés.
Seule la conclusion est lisible, c’est à dire accessible à tous. Par contre, croire que des militants de toutes les forces de gauche et de l’écologie se retrouveront dans ce texte, ça me semble bien naïf.
Très bon article. Merci
Ca doit remettre en cause l’ injustice de la qualité de vie dans les logements et autour, une question d’argent mais aussi de qualité de ville
Très bien, très beau et après ? On va écouter notre élu démocratiquement ce soir on va râler, et aux élections on votera blanc ou on n’ira même pas ! On écoutera tous ces bons merdias accuser Mélenchon de « Bolivarien » et de grande gueule. On de lira pas l’Avenir en Commun, des fois que l’on y retrouve la majorité de nos idées (Assemblée constituante, soins pour tous gratuits financés par des cotisations et l’absorption des mutuelles, protéger la nation du pillage économique par un impôt juste, planifier l’écologie, sortir des traités européens… ) à ne surtout pas mettre en œuvre pour continuer à faire de magnifiques « papiers ». On sera insoumis sans le devenir et ils auront gagné. J’ai lu dans un commentaire que nous devrions créer une association 1901 elle existe avec les insoumis. Rejoignez le mouvement, participez à la création du programme et discutons ensuite de la personalité de « Mélenchon » ennemi public numéro un … de nos adversaires
Bonjour,
Merci pour les éléments d’analyse.
Il est effectivement urgent et salutaire d’exprimer des réactions face à ce qu’il se passe en ce moment.
Avec quelques amis nous avons fait une mailinglist pour essayer d’organiser « quelque chose ». On est allé vers les voisins qui avaient pendu des banderoles à leur balcon. Il y a déjà au moins dix banderoles de plus depuis le début de la semaine. Il faut pousser « la populaion a exprimer ces colères et ses espoirs. On doit pouvoir l’encourager à l’échelle de notre km de liberté surveillée. Là on est en train de se coordonner pour aller coller des feuilles a4 faites à la main, sur le théme « Et après, Moi je veux… » Ensuite on imagine essayer de mettre en place un système d’afichage public (une corde avec despinces à linge ou tout le monde peut épingler ses doléances), récolter et transmettre à nos candidats et élus locaux.
je sais pas si ça marchera, mais il faut se bouger pour créer des zones de contacts, d’expressions, de rencontres
(et pas que sur les réseaux dématérialisés!!.
Bref, on vit une période surréalistes, soyons à la hauteur!
Nico de Toulouse
Nicolas de Condorcet, avait proposé une refonte du droit pénal et du système éducatif.
Je me pose une question de probabilité : Justice ou Education, lequel des deux sera « ré-organisé »en premier à la sortie du confinement ? Merci de partager vos Lumières.
Gros gros oubli : forcing de masse pour accepter le wifi nécessaire au télétravail ; la libéralisation du déploiement des antennes 5 G et autres ; empêchement de communiquer et faire pression sur le Conseil d’Etat qui doit rendre le 30/06 son avis sur le recours déposé par APE, Priartem et Robin des Toits, qui réclament une étude d’impact sur l’environnement et une suspension du déploiement. Interdit de parler d’autre chose que… vous savez quoi.
Quelle belle aubaine quand même que ce corona ! Ils l’auraient voulu, ils n’auraient pas mieux fait. C’est un excellent terrain d’essai pour toutes les manoeuvres politiques et autres réformes que le Gvt d’Emmanuel 1er souhaitaient mettre en place. Là vu que tout le monde est confiné, plus personne ne peut leur mettre de bâtons dans les roues ! j’espère que le déconfinement s’il n’arrive pas trop tardivement, car alors les gens ne seraient plus en mesure de lutter d’une quelconque manière, permettre de remettre les choses à plat et de virer tous ces technocrates voyous, alors souhaitons et faisons qu’il n’y ait pas une déconfiture….