Contenus et méthodes

Contenus et méthodes

Quatre étapes du stage peuvent être distinguées :

  • Première étape : écriture du plan complet de la conférence et de son articulation théorique.

  • Deuxième étape : présentation d’un début scénique de 10 minutes et d’une improvisation d’une heure sur le sujet. Approfondissement politique et scénique.

  • Troisième étape : présentation d’une proposition de conférence aboutie, amélioration et finalisation.

  • Quatrième étape : présentation publique de la conférence gesticulée.

Lors de la première étape (sur la première semaine de stage), le processus qui conduit à une écriture de la conférence est le suivant :

  • Doutes et certitudes : La consigne : « quels sont vos doutes et quelles sont vos certitudes concernant ce stage et l’élaboration de votre conférence gesticulée ? » est proposée sous forme d’un Groupe d’Interview Mutuel de trois personnes dans lequel une personne se fait interviewer pendant dix minutes par les deux autres, puis on tourne. Au bout d’une demi-heure, chacun présente en grand groupe les doutes et certitudes de quelqu’un d’autre.
    Généralement, beaucoup de doutes tournent sur le risque à prendre avec des pairs ou des milieux professionnels (« cracher dans la soupe »), la culture générale et les bases théoriques (les savoirs « froids » : « je n’ai pas lu beaucoup »), la légitimité à parler, la dimension spectaculaire… Les certitudes portent souvent sur la pertinence et l’efficacité de la forme pour faire passer un message, la volonté de créer de la mobilisation plutôt que de l’impuissance, l’envie de faire participer le public.

  • Petite histoire – Grande Histoire : Dans cette consigne, empruntée à Riccardo Montserrat, notre désir est de partager nos histoires de vie, les racines de nos colères et de nos engagements, organiser la transmission de nos expériences politiques. Les participants remplissent un tableau vierge comprenant une ligne par année et trois colonnes. La première ligne est l’année naissance, la dernière est l’année actuelle. Les trois  colonnes : la première pour la petite histoire personnelle (« 1963, mon père achète sa première 2CV et c’est le seul dans ma cité »), la deuxième pour la grande histoire (« 1963  : assassinat de Kennedy »), et la troisième pour les éléments appliqués au thème de la conférence.
    Nous installons un système de prises de note sur une fresque grand format signifiant la progression de nos histoires de vie et les invariants entre nous dans un parcours de prise de conscience. Cette consigne de par son format et l’implication qu’elle suppose de chaque participant, crée par elle-même un climat d’écoute, et de curiosité. A partir des histoires individuelles partagées se construit progressivement une histoire politique collective…

  •  « Archipel » d’anecdotes autobiographiques : L’objectif de cette consigne, après et dans la prolongement de petite histoire – grande histoire, est de s’entraîner à la forme courte et efficace du récit d’une anecdote, véritable condensé de sens, et toujours assorti d’une chute ou d’un coup de théâtre, même dans l’improvisation. Une anecdote est quelque chose que l’on a raconté cent fois, ou que l’on sait raconter, sur quoi on sait broder, en rajouter, ménager des effets, capter son auditoire, etc. L’image de l’archipel consiste à faire une liste d’anecdotes ou d’histoires que nous savons raconter (liées à notre sujet en priorité mais pas seulement). Nous racontons des anecdotes en permanence. Il y a des histoires que nous avons déjà racontées cent fois (à chaque repas de famille, à chaque nouvel ami, etc.) et ces blocs de récits dans lesquels nous sommes parfaitement à l’aise, que nous n’avons pas besoin d’écrire, vont parsemer la conférence et tracer un chemin de solidité dans le récit. En passant d’une anecdote à l’autre, on est parfaitement à l’aise. C’est un îlot de sécurité face à un public, et à partir duquel on peut se lancer dans l’inconnue d’une improvisation d’analyse avant de retrouver un nouvel îlot au sec !
    Dans cette consigne on propose aux participants de réfléchir à établir une liste d’anecdotes qu’ils aiment ou auraient envie de raconter. Il est proposé de raconter une anecdote en s’inspirant d’une liste du type : un grand moment de solitude, une expérience de l’injustice, un sentiment de trahison, une grosse colère, la découverte de sa classe sociale, la découverte de son sexe, un fou rire, une victoire, une première fois, une émotion politique, un souvenir scolaire, la découverte du travail, etc.

  • Le « Cube » ou les facettes du problème :  L’image du cube est celle d’un objet dont on ne peut jamais voir que trois faces mais qui en possède six. C’est une métaphore empruntée à la technique de l’entrainement mental développée après guerre par l’association « Peuple et culture » de Joffre Dumazedier. Il s’agissait de réapprendre à penser les problèmes dans leur complexité en enrichissant la problématique de départ. La consigne du « cube » pourrait se résumer ainsi : quelles sont toutes les autres facettes de votre problématique/sujet ?
    Lorsque Thierry Rouquet s’inscrit à un stage pour construire sa conférence gesticulée, il a la volonté de monter une conférence sur la privatisation des services publics, dont il est un ardent défenseur. Les attaques incessantes et répétées du discours dominant contre le « trop d’État » ont contribué à ne plus nous faire entendre que le terme service dans service public. Il souhaite monter une conférence gesticulée pour sensibiliser à ce problème. Son sujet est donc : les services publics et leur privatisation, et il se prépare inconsciemment à faire un exposé sur la question. Quelles sont les multiples facettes possibles de ce problème ? Qu’est-ce qu’un service public ? En quoi se distingue-t-il d’une fourniture de service commercial ? Qu’est-ce que le statut des fonctionnaires, qui servent le service public, a de subversif du modèle économique ? Le rôle d’institutions supra-nationales (Organisation Mondiale du Commerce en tête) dans l’élaboration et la mise en place de ces privatisations. La question de la démocratie avec le remplacement programmé de la souveraineté populaire par un pouvoir privé (dixit Rockefeller), etc., etc., etc. L’étape du cube consiste donc à tenter d’organiser le plus de facettes possibles du problème.

  • Le « scoubidou » des fils conducteurs :  L’image du scoubidou est celle d’une conférence dans laquelle plusieurs fils conducteurs n’ayant apparemment pas de lien direct se tressent pour organiser un récit original au sein duquel le sujet même de la conférence (le cube) n’est plus qu’un seul des fils du scoubidou. En d’autres termes plusieurs sujets qui s’entremêlent. Par exemple dans la conférence Inculture(s) 2 de Franck Lepage, il y a la question de l’école (un fil), la métaphore du parapente (un second fil), l’hommage au père (un troisième fil), etc. Ici le parapente est utilisé comme une métaphore à partir d’une passion de loisir. Dans la conférence inculture(s) 1, il y a le fil de Christiane Faure, le fil de l’éducation populaire, le fil de la culture, le fil du langage, et le fil d’une métaphore potagère… La conférence est beaucoup plus forte que si elle avait déroulé un long et monomaniaque exposé sur la problème.
    C’est toute la différence entre une conférence classique et une conférence gesticulée. Il ne s’agit pas d’assister à l’énoncé d’une problématique, mais à la façon dont une personne a vécu cette problématique. Il s’agit de théorie incarnée et cela change tout. Le slogan militant « Raconte pas ta vie » est contre productif d’un point de vue subversif, car c’est bien l’engagement de la personne comme sujet qui est convaincant, voir contagieux ! La force de la conférence tient donc à la volonté de ramener d’autre fils, tirés de son histoire personnelle. La difficulté vient d’une éducation où il est mal vu de parler de soi.

  • « Le squelette » du récit :  C’est effectivement le squelette de la conférence, c’est-à-dire une structure de récit qui ré-articule tout ce qui a précédé : le cube, le scoubidou et l’archipel. Tout l’intérêt d’inventer une structure de récit originale (par exemple non chronologique, mais en utilisant une métaphore et en la suivant). Il s’agit de casser l’ordre du discours scolaire ou universitaire pour entrer dans celui du récit. Il s’agit de s’empêcher de rentrer dans un exposé logique, et ré-articuler de façon imaginative une façon d’assembler tous ces éléments.

Les deuxième, troisième et quatrième étapes alternent des approfondissements théoriques et le travail de la dimension scénique ou spectaculaire. Il ne s’agit pas ici de formation théâtrale, du type placement, jeu, respiration, diction, etc. mais de réaliser un dispositif scénique léger, qui réponde a minima à la convention scénique sans s’encombrer de considérations théâtrales.

Des apports théoriques sont proposés durant le stage sur la question de la réappropriation culturelle et de l’éducation populaire, sur la question des dominations croisées (sexe, classe, race), ainsi que sur divers aspects du capitalisme. La question de l’atterrissage politique (le message pour le public) est travaillée collectivement. Le stage est ainsi l’occasion d’un approfondissement théorique et politique des sujets par les conférenciers.

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